Point sur les chiffres des femmes artistes, devenues incontournables

Janet Sobel, Voie lactée, techniques mixtes

Femmes artistes : la revanche des invisibles chiffrée, segmentée, confirmée.

En 2024, 1148 femmes artistes ont été représentées aux enchères. Il s’agit d’un record et d’une augmentation de 131,9% par rapport à 2018.

Néanmoins, toutes catégories et toutes époques confondues, elles ne représentent encore que 23,6% de la population totale d’artistes présentés sur le marché des enchères.

En valeur de vente, leur part est passée de 6,2% en 2018 à 13,8% en 2024. On note cependant un léger recul à 12,6% début 2025.

Concernant les tendances du marché, les femmes artistes contemporaines et jeunes contemporaines forment 82% de l’offre féminine aux enchères en 2024. Pourquoi ?

D’abord, un intérêt général pour les contemporains. Ensuite, des attributions moins difficiles, étant donné que beaucoup de femmes artistes jusqu’au XXème siècle ont vu certaines de leurs œuvres attribuées à tort à leurs homologues masculins.

Le segment des ventes à plus d’un million de dollars, même s’il ne représente que 4,7% des lots, pèse 65,6% de la valeur totale des ventes féminines.

Les garanties d’enchères ont également atteint un record de 78,3% en 2025, contre seulement 30,1% en 2018, il s’agit de la preuve d’une confiance croissante dans leur viabilité financière. 

Plus visionnaire que l’Europe, New-York concentre 62,7% de la valeur des femmes artistes. Les femmes du Global South représentent 34,4% de la valeur, 21,5% des lots, et 20,6% des artistes féminines vendues en 2024.

Seulement 8 galeries internationales contrôlent près de 80% du marché féminin haut de gamme.

Tamara de Lempicka, tableau adjugé 920 000€ chez Rossini le 3 juillet 2025

Pourquoi les femmes artistes deviennent les nouvelles valeurs refuges du marché de l’art ?


Ces dernières sont largement appuyées par les institutions. Le MoMA et le Tate ont consacré 50 à 54% de leurs expositions solo aux femmes depuis 2018. Le Centre Pompidou à Paris est dans la même mouvance.

86% de ces expositions concernaient des artistes contemporaines et 30,8% des expositions étaient dédiées à des femmes du Global South.

Mais ce n’est pas tout : elles attirent à elles d’autres insights puissants.

Les jeunes collectionneurs (Millennials et Gen Z) représentent 21,8% des enchérisseurs féminins en 2024, contre 12,6% en 2018.

Les œuvres de femmes ont un CAGR (taux de croissance) moyen de 7,6% sur 14,2 ans, qui est supérieur à celui des hommes, correspondant pour eux au même taux sur 20,7 ans.

Ainsi, des artistes comme Marlene Dumas, Leonora Carrington, Joan Mitchell et Remedios Varo dominent les ventes.

Sous-cotées hier, surperformantes aujourd’hui

50 artistes seulement représentent 80% de la valeur totale des ventes des femmes artistes 2018. Elles sont pour la plupart contemporaines, puisque 6,5% des ventes concerne la période Moderne et 1,9% concernent des périodes impressionnistes et anciennes.

Le marché est donc pour le moment extrêmement concentré, mais ne demande qu’à être déployé. De nombreuses artistes, surtout en ce qui concerne la période du XIXème siècle, montrent des résultats encourageants aux enchères mais sont loin d’avoir atteint leur plein potentiel. Il s’agit d’artistes comme Constance Mayer, Rosa Bonheur, Louise Desbordes Jonas ou Élise Bruyère.

Cependant, la part des femmes artistes dans les collections de grands collectionneurs (HNWIs) est passée de 33% en 2018 à 44% en 2024.

La hausse est très encourageante. La proportion d’œuvres d’artistes femmes acquise par les musées est également en constante augmentation.

La domination masculine dans le marché de l’art reste enracinée et malgré le progrès, le chemin reste long. La cote de certains géants du marché de l’art est cependant en train de décroitre, comme c’est le cas pour Pierre Soulages : ce qui présage un repli des acheteurs vers des investissements plus prometteurs et plus novateurs au sein du marché des enchères. L’équilibre réellement représentatif n’est donc pas encore atteint.

Le travail instauré par des collectifs comme les Guerrilla Girls ou des chercheurs comme Linda Nochlin reste lent, mais parfois à l’avantage des collectionneurs et des artistes puisque des montées de cote soudaines présagent aussi des baisses de cotes soudaines, et donc un risque trop important pour beaucoup d’enchérisseurs.

Le marché ne suit pas seulement une logique financière mais traduit aussi des fractures culturelles et historiques. Les chiffres seuls ne suffisent pas à tout expliquer, mais ils sont actuellement poussés par la recherche universitaire.

Les institutions muséales jouent un rôle de vitrine politique, mais continuent de privilégier la contemporanéité, au détriment d’une relecture historique des femmes oubliées : quid des expositions comme celles de Clara Peeters au Prado en 2016 ?

Pourquoi miser sur une artiste femme rapporte plus vite (et plus gros) ?

Acheter des œuvres d’artistes féminines promet un rendement plus rapide, sur une période plus courte. Les œuvres concernées ont affiché un taux de croissance annuel moyen (CGAR) de 13,1% sur une durée de détention moyenne de 14,2 ans, contre 7,6% pour les hommes sur 20,7 ans.

La part des femmes dans la valeur totale des ventes aux enchères a plus que doublé en 2018, atteignant 13,8% en 2024. Le nombre d’artistes femmes vendues a été multiplié par 2,3, passant de 495 en 2018 à 1184 en 2024. Le potentiel de progression est donc très élevé.

Le nombre de lots féminins vendus à moins de 50 000$ a bondi de 136%, tandis que le segment des ventes à plus de 1 million a crû de 70% depuis 2018. Le prix moyen atteint désormais 268 888$ (début 2025), contre 22 957$ en 2024. La dynamique est soutenue, même sur le haut du marché.

Désormais, 78,3% des ventes de femmes sont garanties aux enchères (contre seulement 30,1% en 2018). Ceci s’explique aussi par une base de collectionneurs en pleine mutation, tournée vers davantage de diversité.

Le soutien institutionnel qu’affichent les grands musées ne fait que croître, ce qui amplifie ou solidifie la cote des artistes concernées.

Le marché des femmes artistes reste cependant encore largement sous-évalué, puisque la totalité des ventes féminines entre 2008 et 2020 équivaut à ce qui a été dépensé pour un seul artiste masculin, Pablo Picasso. Gardons donc en tête que le potentiel de revalorisation structurel est énorme.

Faites estimer gratuitement vos objets par nos experts

Réponse en - de 24h

A découvrir dans la même thématique

Bibliographie

Sources de marché et rapports spécialisés

• Sotheby’s et ArtTactic, Women Artists in the Market, Insight Report, juin 2025

• Arts Economics & UBS, The Art Market 2024, rapport annuel, mars 2024.

• Burns Halperin Report, Representation and Pay in the Art World, Artnet & In Other Words, décembre 2022.

Ouvrages et articles de référence

• Nochlin, Linda, Pourquoi n’y a-t-il pas eu de grandes femmes artistes ?, trad. A. Corbin, Paris, Hazan, 1993.

• Chadwick, Whitney, Femmes, Art et Société, Paris, Thames & Hudson, 2021 (6e éd.).

• Pollock, Griselda, Vision and Difference: Feminism, Femininity and Histories of Art, Londres, Routledge, 1988.

• Reilly, Maura, Curatorial Activism: Towards an Ethics of Curating, Londres, Thames & Hudson, 2018.

Sources complémentaires sur les artistes et le marché

• Guerrilla Girls, The Guerrilla Girls’ Art Museum Activity Book, New York, Printed Matter, 2004.

• Baia Curioni, Stefano, L’économie du marché de l’art contemporain, Paris, Les Presses du réel, 2022.

• Thornton, Sarah, Sept jours dans le monde de l’art, Paris, Denoël, 2009.

Des artistes féminines vendues aux enchères

security

Site sécurisé, anonymat conservé

agrement

Commissaire-priseur et expert agréé par l'État

certification

Estimations gratuites et certifiées