Un nom emblématique de l'Art Déco : Camille Fauré

Cette semaine, une de nos lectrices a soumis pour expertise à notre commissaire-priseur, Céline BERAL, un vase aux couleurs chatoyantes et irrisées. Réalisé sur âme de cuivre, il est signé sur la partie supérieure « C. FAURE » pour Camille Fauré. Un nom emblématique de la période Art Déco bien connu des amateurs… et très recherché aux enchères !
Les spécificités des vases en émaux
La spécificité de ce vase réside dans sa technique : l’émail sur plaque de métal – ici, du cuivre. Technique ancestrale déjà employée dans la Grèce Antique, l’émail est une substance réalisée à base de verre broyé et chauffé que l’on teinte ensuite de couleurs en y intégrant des oxydes métalliques. Il faut savoir que certaines régions en feront une grande spécialité : les russes, par exemple, dressent des tables richement égayées par la présence d’émaux multicolores à décor floral sur les pièces de service et autres couverts en argent. Les productions asiatiques et, plus particulièrement, celles venues de l’Empire du Milieu – la Chine, donc – atteignent des niveaux de qualité exceptionnels dès le moyen-âge. Néanmoins, et comme d’habitude, notre pays n’est pas à la traine en ce qui concerne les arts et techniques, et c’est également le cas dans le domaine peu connu des émaux d’art.
La mode des émaux
Si durant l’époque Carolingienne, la mode des émaux sur les bijoux et pièces d’apparat se développe, c’est au XIIème siècle que la France – et spécifiquement la ville de Limoges- s’impose comme un centre névralgique de cet art. La production est dans un premier temps consacrée aux objets liturgiques : châsses, reliquaires et autres croix de procession sont réalisées en or ou argent, agrémentés d’émaux polychromes figurant des épisodes de la vie du Christ ou des Saints. Cette production – presque uniquement destinée aux ecclésiastiques – va, au fil des siècles se diversifier pour atteindre un âge d’or à la Renaissance. La technique évolue et gagne en qualité et les émaux peints deviennent des chefs d’œuvre de minutie et de détails. La production s’avère désormais profane : les riches et puissants souverains s’offrent des pièces de Limoges pour compléter leurs collections d’œuvres d’art. Exit les bondieuseries, place au plaisir et à l’apparat ! Les princes commandent leurs portraits aux émailleurs limousins ( pour un exemple, voir le Portrait du connétable de Montmorency, conservé au musée du Louvre ) et achètent aux plus grandes dynasties d’artistes limousins des plats et pièces d’apparat aux registre décoratifs variés, allant de la mythologie grecque ou romaine à l’Ancien testament.
L'âge d'or de l'émail de Limoges : Camille Fauré
Cette grande et belle tradition de l’émail de Limoges perd cependant en qualité au XVIIème et XVIIIème siècle pour revenir avec le « revival » du Moyen-âge et de la Renaissance au XIXème siècle. Les techniques et le patrimoine français sont remis au goût du jour et l’émail revient, sur des pièces d’orfèvrerie ou des meubles. C’est cependant au tournant du XXème siècle que l’émail va connaitre son second âge d’or à Limoges, et notamment avec les productions de Camille Fauré. Entrepreneur dans divers secteurs d’activités, Camille Fauré a la brillante idée de relancer la production des émaux de Limoges. S’entourant des meilleurs artisans de la ville, il crée sa société d’émaux d’arts dans les années 1920. De son atelier sort une production à la pointe de la mode de son temps – l’Art Déco - des vases émaillés aux motifs stylisés et géométriques, aux couleurs éclatantes, inspirés du cubisme et des avant-gardes parisiennes. Le tout Paris achète ces œuvres – luxueuses et tendances- jusqu’au krach boursier de 1929. Cet événement arrache à Camille Fauré une partie de sa clientèle bourgeoise et l’oblige à adapter sa production aux bourses les plus modeste en proposant des œuvres moins qualitatives, produites en série.
Estimation du vase Camille Fauré
Pour la plus grande chance de notre lectrice, son vase a été réalisé durant la meilleure période de la production de Camille Fauré, soit entre 1920 et 1930. Malheureusement, la base témoigne de quelques accidents, ce qui justifie une estimation autour de 2000 à 3000 euros, avec une potentielle surprise à la clef. Une pièce intéressante et rare, aux beaux tons bleutés, qui rappellera aux lecteurs les plus poétiques les reflets de la Manche aux beaux jours.