L'autre Napoléon, buste de l'Aiglon

Buste de l'Empereur réalisé en biscuit (porcelaine non émaillée)

Cette semaine un lecteur nous soumet un buste blanc d’environ 45cm de hauteur avec son socle. Notre commissaire-priseur décrypte cet objet.


La folie du biscuit

Le portrait présenté ici est celui d’un enfant aux traits à la fois nobles et poupins réalisé en « biscuit ». N’en déplaise aux gourmands, le biscuit est en réalité de la porcelaine non émaillée, ce qui lui donne un aspect mat. L’utilisation de ce mot viendrait de l’italien « Biscotto » qui désignait, pour les céramistes de la Renaissance, la pâte avant cuisson, qui par son aspect épais et grumeleux rappelait la préparation à gâteau des pâtissiers.

Mis à la mode au XVIIIème siècle à la manufacture de Sèvres, le biscuit de porcelaine était apprécié pour ses qualités esthétiques. Vous connaissez peut-être la manufacture pour ses assiettes et sa platerie, destinées aux tables les plus prestigieuses, de l’époque de Louis XV aux repas diplomatiques et présidentiels du XXIème siècle (Le Président Emmanuel Macron a d’ailleurs lui-même commandé un service de 1200 pièces à la manufacture, dessiné par un artiste contemporain). Sachez que Sèvres aura été au fait des plus grandes innovations esthétiques du XVIIIème siècle, dont celle de créer de véritables sculptures de porcelaine, en biscuit justement… La folie du biscuit – apprécié pour son aspect proche du marbre- se perpétue dans le temps et dans les modes. En témoigne notre petit buste d’enfant.


Le buste du fils de l'empereur : l'Aiglon

Traité à la manière des sculptures antiques – observez ici ces pupilles creusées que vous remarquerez lors de votre prochaine visite dans les musées italiens et français -, ce buste présente des éléments formels qu’on ne peut attribuer qu’au XIXème siècle. Notre jeune enfant est paré de ses plus beaux atours et présente une médaille à l’aigle sur le torse, qui rappelle le rapace du socle... Des éléments qui font penser à l’Empire…

Ce jeune garçon est en réalité la progéniture d’un symbole national, souvent critiqué mais déployant encore, près de 200 ans plus tard, une fascination auprès des amoureux de l’histoire : Napoléon Ier. Le fils de l’Empereur que l’on retrouve figuré ici, est plus communément appelé par les connaisseurs l’ « Aiglon » (En référence au surnom de son père, l’Aigle…).


L'histoire de l'Aiglon ?

L’Aiglon est le fruit d’un mariage de raison entre l’empereur Napoléon Ier et sa seconde épouse, Marie Louise d’Autriche. En effet, désemparé de ne pas avoir d’héritier légitime avec sa première compagne, Joséphine de Beauharnais, l’empereur se résout à quitter ce mariage d’amour et son épouse malheureusement stérile, pour asseoir sa dynastie et engendrer une progéniture capable d’assumer la destinée impériale. L’héritier tant désiré nait en 1811 dans des temps déjà troubles pour l’Empire français.

Malheureusement, l’aiglon ne volera jamais très loin du nid…L’Empire décline dans les premières années de la vie du jeune prétendant à la succession. Napoléon Ier, se sentant acculé, abdique lors de la période des cent jours, et tente d’assurer sa pérennité via son fils en le proclamant Empereur. L’Aiglon, désormais Napoléon II, assure un règne à peu près aussi long que la vie d’un papillon. Le jeune empereur, âgé de 4 ans, ne possédera ce titre que deux semaines avant la cuisante défaite de Waterloo et le retour de la Monarchie. Il est contraint de s’exiler en Autriche.

Un destin aussi tragique que la vie de son père aura été héroïque, pour ce jeune enfant à la santé fragile, qui avant de décéder des suites d’affections pulmonaires à l’âge de 21 ans, déclara « Ma naissance et ma mort, voilà toute mon histoire. Entre mon berceau et ma tombe, il y a un grand zéro. »

Dans la seconde moitié du XIXème siècle, la vie de l’Aiglon sera mise à l’honneur par les plus grands auteurs romantiques – dont Victor Hugo. Le destin brisé de ce héro maudit, fils d’un des plus grands empereurs, en fera un sujet d’inspiration. Le retour à un régime impérial en 1852 fait renaître l’intérêt pour le jeune homme. Notre production est à dater de cette période et à considérer plutôt comme un souvenir du Premier Empire. Elle est de belle qualité et pourrait être estimée autour de 400-600 euros.