Vase Charder : une belle histoire pour le Made-In-France

Cette semaine un de nos lecteurs soumet à Céline Béral, commissaire-priseur, un vase signé « Charder ». Elle décrypte pour nous l’histoire de cet objet, bien typique des années 1920.
Derrière ce joli vase aux couleurs automnales se cache une belle histoire pour le Made-In-France… Il est représentatif d’une étape de premier plan dans l’industrie et l’artisanat français.
Le renouveau de l'Art du verre : XIXème siècle
L’histoire du renouveau de l’art du verre débute à la fin du XIXème siècle. La société et les artistes se fascinent pour les productions du passé (Moyen-âge, époque antique...) et retrouvent alors des techniques ancestrales oubliées et se les approprient. Les techniques de productions verrières ne sont pas en reste. A cela s’ajoutent les avancées technologiques et l’industrialisation qui permettent de produire des œuvres plus rapidement et en série.
L’un des foyers de recherche sera le centre de l’Art Nouveau Français : Nancy, avec un protagoniste, important et précurseur, Emile Gallé.
Grand maître de l'Art Nouveau : Emile Gallé
Fils d’un céramiste nancéen, Emile Gallé est l’exemple même de l’artiste touche à tout : ébéniste, maître-verrier et céramiste. Surtout, il est l’un des premiers à comprendre l’importance d’associer l’artisanat à l’industrie pour produire des œuvres de qualité. Travailleur acharné, passionné par la faune et la flore – qu’on retrouve sur ses vases – l’artiste fait aussi preuve d’un esprit technique très fort et innove (ou redécouvre) de nombreuses techniques verrières, qu’il applique à sa production : émaillages, décors dégagés à l’acide, applications de verres à chaud dans ses vases, inclusions et bullages. Son œuvre varie alors entre pièces uniques - dont certains chef d’œuvres conservés au Musée d’Orsay, à mi-chemin entre sculpture et verrerie- et des objets plus accessibles, réalisés en série dans les établissements Gallé. La prolifique société sera gérée par sa veuve et ses deux fils à sa mort en 1904 .Ceux-ci organiseront la distribution à grande échelle des produits.
Grand maître de l’Art Nouveau, Emile Gallé initie ainsi l’âge d’or de la verrerie en France et ouvre la voie à une génération d’artisans et de maîtres-verriers, désireux de produire des objets de qualité pour toutes les bourses. Essaimeront des ateliers de plus ou moins grande envergure et réputation, au sein desquels les fameux Daum, Legras et Lalique.
Charder travaille sous l'influence d'Emile Gallé
Plus intimiste, la production de Charder – pour Charles Schneider – débute à Nancy vers 1910 dans les derniers feux de l’Art Nouveau. Travaillant d’abord sous influence du maître Emile Gallé, Charles Schneider invente son propre style après la première guerre mondiale, sous l’influence de l’Art Déco. Le mouvement qui débute dans les années 20 tend à la stylisation des formes florales et végétales.
Le changement de goût, sous l’influence de la peinture cubiste, de l’art africain et de l’art classique, tend en effet à plus de géométrie et de couleurs franches. Les façades Art Déco redeviennent ordonnées et épurées telles des temples modernes. Les arts appliqués quant à eux font parfois preuve de luxe, mais toujours dans la symétrie et la simplification des décors et ornements. Ainsi, exit la vraisemblance : place à la géométrisation des motifs !
Estimation du vase signé "Charder"
Notre vase est à donc à dater de cette période, des années 1920-1930 : en témoigne le décor. Le fond est désigné par les amateurs comme « marmoréen » (c’est-à-dire rappelant la texture du marbre). Il est réalisé en mélangeant des oxydes colorés à la pâte de verre incolore. Le décor de fleurs aux tonalités violettes est quant à lui « dégagé à l’acide » : l’artisan applique un vernis sur les parties qui doivent rester visibles (ici les fleurs). Le vernis agit comme une protection contre l’attaque du bain d’acide dans lequel la pièce est plongée. Les parties non protégées (le fond, ici) sont dissoutes.
Une jolie pièce à estimer autour de 200 à 300 euros… Mais certaines pièces de Charles Schneider peuvent atteindre des sommes plus importantes : certains décors aux poissons ou aux rascasses peuvent être adjugés plus de 10 000 euros !
Pour reconnaître la production de la maison, fiez-vous à ses différentes signatures : Schneider, Charder ou encore le Verre Français. Vous pouvez aussi retrouver des pièces signées au drapeau tricolore (Cocorico !) !
Ouvrez l’œil, vous êtes peut-être en possession d’une belle pièce des ateliers de Charles Schneider !