Ce coffre d'un lecteur est-il un trésor d'histoire?

Coffre

Cette semaine, un lecteur nous soumet un curieux coffre. Céline Béral, notre commissaire-priseur, nous fait part de son avis.

L’œuvre présentée par notre lecteur est un coffre de bois orné d’un riche travail de sculpture. On y découvre divers éléments qui laissent, de prime abord, penser à un travail médiéval.


L'histoire du coffre...

La forme en elle-même, le coffre, a longtemps été l’un des seuls meubles utilisés à l’époque médiévale. Dans un monde marqué par une forte instabilité, les riches seigneurs ne s’encombraient que de très peu d’effets dans leurs demeures, et le coffre permettait de déplacer facilement des effets en cas de mission militaire ou diplomatique. Une société de nomades en somme, où il fallait partir à la va-vite et ranger ses plus précieux effets -tapisseries, bijoux et pièces d’orfèvrerie – en sécurité et à l’abri des regards.

Le coffre était ainsi un objet pratique mais aussi multifonction : on pouvait aussi s’y asseoir, prendre ses repas, et on pouvait même dormir à l’intérieur, pour les plus grands modèles. Bonjour le mal de dos en se réveillant…

Revenons à notre coffre. On observe sur la façade un riche répertoire décoratif : rosaces, arcatures et autres motifs lancéolés qui nous rappellent directement les motifs des cathédrales gothiques, que l’on peut contempler par exemple sur les façades de Notre Dame-de-Paris.

Les fabricants de mobilier médiévaux s’inspirent de leur environnement pour réaliser leur mobilier et transposent directement les éléments architecturaux sur la surface des meubles. Ce n’est qu’avec le développement de la gravure que la situation changera et offrira un nouveau répertoire décoratif aux menuisiers de l’époque.


Le coffre de notre lecteur aurait-il traversé les plus de 500 ans qui nous séparent du Moyen-âge ?

Ce n’est malheureusement pas le cas. Outre certains éléments techniques (montages, patine du bois, quasi-absence de trous de vers etc..), l’étude de la suite de la décoration du coffre nous montre un côté fantaisiste qui n’est attribuable à aucun artisan de l’époque médiévale. Les chimères sur la partie supérieure, les grotesques dans des rinceaux sur les deux côtés du meuble rappellent les livres enluminés, les blasons armoriés et les motifs de feuilles de chêne, tous les éléments qui pourraient rappeler le Moyen-âge ou presque sont réunis ! Et cela sans compter les preux chevaliers en armure qui attendraient presque de délivrer une princesse d’un dragon…

Ce coffre est issu de l’esprit d’un fabricant de meubles du XIXème siècle, à une époque où, avant le bossu de Notre-Dame, était déjà venu le temps des cathédrales…

Si jusqu’à la fin du XVIIIème siècle, la société rejette les époques précédentes, le XIXème siècle va faire preuve d’une grande curiosité et fascination pour l’ancien et pour ce qui était considéré auparavant comme démodé. La mode dite « gothique » ou « troubadour » sera celle qui aura le plus franc succès et qui suscitera une grande imagination chez les artisans. Les bourgeois se fascinent alors pour la chevalerie et la littérature courtoise, s’habillent et se parent de bijoux hérités de la mode médiévale. On construit des châteaux de contes de Fée – par exemple, le fameux Neuschwanstein en Bavière alias le château de la belle au bois dormant– à l’époque où Haussmann trace ses boulevards.

L’ameublement d’intérieur n’est pas en reste et la demeure se pare avec fantaisie de tous les éléments pouvant rappeler de près ou de loin l’époque médiévale : on fabrique des pendules en forme de cathédrale, des sièges à dossier ornés de blasons et de licornes et on accroche au mur des tableaux montrant des scènes de tournois.

Notre coffre est donc issu de cette société à l’imagination débordante, qui voulait avoir une partie du Moyen-âge dans son salon mais dans une version édulcorée … Sans la peste et les famines, bien évidemment !

Il peut être estimé entre 150 et 250 euros, un équivalent du XVème siècle pourrait valoir jusqu’à 10 fois cette estimation, ce qui reste raisonnable compte tenu de la rareté de ce type de pièces.