A la « chasse aux trésors » avec le Roi Frederic von Wurttenberg ?

Lithographie, scène de lutte entre un homme et un animal

Cette semaine, de nos lecteurs amateurs de chasse, a envoyé à Céline Béral, notre commissaire-priseur une collection d’objets sur le thème de la chasse. Au sein des trophées et armes, un objet d’art l’a interpellée : cette lithographie sur laquelle se déroule une scène très dynamique de lutte entre l’homme et l’animal.

Les plus polyglottes d’entre nous déchiffreront la mention en allemand sous la scène «Das grosse festin lagen bel Bebenhausen» qui titre notre lithographie. On peut la traduire plus ou moins littéralement par «La grande fête de Bebenhausen».

  Après quelques recherches, notre commissaire-priseur retrouve l’œuvre originale qui a servi de modèle à cette lithographie. Il s’agit d’une œuvre d’un peintre germanique du XIXème siècle, Johann Baptist Seele, conservée à la Rezidenz de Ludwigsbourg et qui représente un évènement typiquement allemand : la fête de Diane (du nom de la déesse de la chasse).


La technique de la lithographie : révolution de l'histoire de la gravure

   Avant d’aller plus loin, un petit rappel pour nos lecteurs sur la technique de la lithographie. Au contraire de la peinture, qui est une œuvre unique, les techniques de l’estampe permettent de reproduire des œuvres en de multiples exemplaires (presque l’ancêtre de nos imprimantes, en quelque sorte). L’estampe se divise en plusieurs sous-catégories dont font partie la gravure et la lithographie. La gravure est inventée à la fin du Moyen-âge, probablement en Allemagne, d’abord sur bois, puis sur des plaques de métal. On travaille le métal ou le bois et on encre une matrice qui reproduit fidèlement et en grande quantité une image. 

   Nous sommes une société habituée, de nos jours, à la diffusion à grande échelle, en instantané, des images. Or l’invention de la gravure sera considérée comme l’un des éléments déclencheurs de la transition entre le Moyen-âge et la société plus éclairée de la Renaissance. Si avant, l’image peinte était unique, difficile à transmettre et à faire voyager, avec l’estampe, c’est presque une mondialisation des images qui opère. Les modèles des grands peintres peuvent être connus dans l’Europe entière à travers les voyages de feuilles gravées ; l’estampe est aussi un instrument de diffusion de la connaissance à travers l’image, notamment avec les premiers livres illustrés (Histoire naturelle, médecine, recueils divers etc.). 

    La lithographie – la technique de notre trésor de la semaine – est quant à elle une sous-section de l’estampe, à différencier de la gravure. En effet, ici, il n’y a pas de travail gravé sur le modèle. Il s’agit d’une pierre calcaire sur laquelle on dessine à l’encre ou au crayon, qui, après un traitement, est encrée. Inventée à la fin du XVIIIème siècle par un allemand du nom de Senefelder, elle est une deuxième révolution dans l’histoire de la gravure : elle permet de réaliser un plus grand nombre d’impressions que les gravures sur cuivre ou sur bois.


Analyse de la Lithographie

  Notre lithographie vient elle aussi d’Allemagne et montre une sorte de « champ de bataille », théâtre d’un massacre de gibier. On aperçoit de riches tentes, colonnes et portiques qui nous indiquent les plus grands évènements. Sous le parasol, on reconnaît le roi Frederic von Wurttenberg, en hommage duquel la fête est organisée: c’est son anniversaire! 

Loin d’une simple partie de chasse, cette fête est à l’image de la démesure des plus grands monarques : 10 000 traqueurs ont été mobilisés – dans le cadre d’un impôt en faveur du roi appelé la « corvée » ; ils étaient tenus de rabattre le gibier dans des espaces proches de la scène de massacre. Le roi et ses convives pouvaient alors s’atteler à leurs loisirs : les bêtes étaient tuées à l’épieu pour les plus courageux, tirées pour les autres. A grands moyens, grands résultats : à la clôture, on note plus de 800 pièces de gibiers tuées par le roi et ses convives !

  Cette jolie pièce nous instruit surtout sur les habitudes cynégétiques des princes allemands – qui ne pratiquaient pas la chasse à courre, ce qui explique l’absence de chiens sur notre scène. Notre lecteur pourra espérer, pour cette lithographie du XIXème siècle, autour de 150-250 euros en ventes aux enchères.